Livre court sur une des caractéristiques fortes de l'Art de la Guerre : l'incertitude.
Clair, synthétique et construit. Argumenté par des exemples historiques (peut-être pas assez) et des citations de grands Chefs de guerre (un peu trop).
Dans une première partie, l'auteur analyse les facteurs d'incertitude (humain, organisationnel, informationnel). J'y ai trouvé une réflexion très intéressante qui décrit comment l'étude d’évènements militaires a posteriori peut conduire au piège de la doctrine-doctrinaire :
"L'étude de l'histoire est indispensable, mais elle ne doit pas être conduite sans précaution. Le grand danger que fait courir l'histoire, c'est en effet de réorganiser la vie, de rendre rationnel l'aléatoire et, ce faisant, d'estomper justement le poids de l'incertitude et du hasard, conduisant ainsi la praticien vers une perception inexacte de l'environnement de ses futures actions"
Dans la deuxième partie, l'auteur expose comment le Chef de guerre vit (ou devrait vivre) avec cette incertitude, toujours au travers de quelques exemples et citations. En lisant cette parie, deux réflexions m’ont inspiré :
- Pour réduire cette incertitude, l'auteur insiste sur l'importance de laisser la liberté d’action aux subalternes. Etant au cœur de l’action, ils sont les plus à même de comprendre la situation locale et d’agir en conséquence. Par cette décomposition du problèmes en sous problèmes, les incertitudes sont mécaniquement réduites. C’est une prise de décision Décentralisée qui rend cela possible.
- Autre réflexion de l’auteur sur la notion d'intuition, si caractéristique des grands Chefs. Elle est expliquée par l’auteur comme un phénomène Emergent, résultat d'un entraînement intellectuel, d'un catalogue de connaissances et d'une somme d'expériences vécues par le Chef de guerre. Les automatismes de déduction, d’interpolation, d’évaluation du risque deviennent inconscient, tout comme les gestes réflexes, justes et parfaits d’un sportif de haut-niveau.
Etonnement, je me retrouve à la fin de ce livre à constater benoîtement que l'Art de la Guerre vit depuis des millénaires le problème de la Complexité, que notre société moderne rencontre à peine.
Plus encore, les théoriciens de la guerre ont empiriquement trouvé des outils de bases, à peine théorisés par les scientifiques de notre époque, pour gérer cette catégorie de problème : Décentralisation, Emergence.
Ce que j'en retiens, c'est un parallèle avec un ouvrage fondamental pour notre époque, "Introduction à la pensée complexe" - Edgar Morin - Seuil (que je vous conseille fortement).
Comme un exemple appliqué des grands principes évoqués par E. Morin, la stratégie militaire fait face à une situation Complexe, au sens scientifique du terme. Depuis toujours, et pour toujours, n'en déplaise au Pentagone. Ce penseur nous explique qu’aucun outil théorique n'existe actuellement pour nous aider à gérer ces situations. Pire que cela, notre société globalisée ne se rend mm pas compte que ces outils nous manquent et elle continue à utiliser un marteau pour résoudre tous les problèmes qui se présentent, y compris ceux d’horlogerie. Une réflexion hyper lucide.
